Un article 43 sans complexe !
Date de publication : 03/01/2022
A quoi sert l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 ?
« La loi n°65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, prévoit que le règlement ne peut contenir de clauses contraires à un certain nombre de dispositions considérées comme étant d’ordre public1 et la loi ELAN du 23 novembre 2018 a ajouté de nouveaux articles impératifs.
Selon l’article 43 de la loi, toutes clauses contraires à ses dispositions impératives sont « réputées non écrites ».
Il en résulte qu’elles seraient censées n’avoir jamais existé et ne pourraient en conséquence s’appliquer».
L’AG est-elle désormais capable de réputer une clause non écrite ?
« La jurisprudence vient tout récemment d’évoluer sur ce point.
Jusqu’à présent en effet, seul le juge, saisi à tout moment par un copropriétaire ou le syndicat lui-même, était admis à décider qu’une clause du règlement de copropriété était réputée non écrite.
Malgré tout, une partie de la Doctrine considérait néanmoins qu’en sa qualité d’organe souverain de la copropriété, l’assemblée générale était aussi compétente que le juge pour expurger son règlement de copropriété des clauses illicites.2
Même si la jurisprudence, suivant en cela une partie de la doctrine,3 avait admis jusqu’à présent la possibilité d’expurger de telles clauses à la majorité de l’article 24, elle ne s’était prononcée ainsi que dans le cadre restreint de l’article 24 f concernant les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement, instaurées par la loi SRU.3
Or, la Haute Juridiction est récemment allée plus loin encore, dans un arrêt consacrant pleinement la souveraineté de l’assemblée générale pour décider du caractère non écrit d’une clause du règlement de copropriété .
La Cour de cassation décide en effet que « L’organe habilité à modifier le règlement de copropriété étant l’assemblée générale, l’article 43 de la loi n’exclut pas le pouvoir de cette assemblée de reconnaître le caractère non écrit d’une clause d’un règlement de copropriété. »
Ainsi, l’assemblée générale peut-elle désormais expurger son règlement de copropriété de ses clauses illicites et ce, à tout moment5, et, a priori, à la majorité de l’article 24f.
En application de cet arrêt6, il en serait de même d’une clause de l’état descriptif de division contraires aux dispositions impératives de la loi.
Le règlement de copropriété et l’état descriptif de division, ciblés par l’article 43
« En pratique, tout copropriétaire, pourra, sans condition de délai, demander à l’assemblée générale de se prononcer sur la caractère non écrit des clauses de l’état descriptif de division et de celles du règlement de copropriété qui ne seraient pas conformes aux dispositions légales impératives nouvelles.
Je crois que les conséquences de cette jurisprudence n’ont pas encore été pleinement mesurées au regard du risque important de remise en cause des droits des copropriétaires.
Fort heureusement, il se trouve que la loi ELAN a prévu la mise en conformité des règlements de copropriétés antérieurs au 23 novembre 2018 pour limiter les contentieux futurs et la fragilisation des règlements de copropriétés qui en résulterait ».
Des clauses réputées non écrites à la majorité de l’article 24
« Aux termes des articles 6.2, 6.3 et 6.4 de la loi du 10 juillet 1965, les parties communes spéciales sont indissociables des charges spéciales.
Les lots constitués exclusivement de « droits de jouissance » ne sont plus considérés comme des lots à part entière, indépendamment d’un lot auquel ils doivent être rattachés.
Les parties communes spéciales et à jouissance privative doivent figurer expressément dans le règlement de copropriété et non plus seulement dans l’état descriptif de division.
Même si ces deux documents sont généralement publiés ensemble, ils sont de nature différente, le règlement étant un contrat alors que l’état descriptif de division n’est qu’un acte de publicité foncière.
De plus, aux termes de l’article 206 de la loi ELAN et de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965, la création et la consistance d’un lot transitoire doivent être stipulés dans le règlement de copropriété (et non plus seulement dans l’état descriptif de division).
L’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version nouvelle fait référence à ces quatre articles 1er, 6.2, 6.3 et 6.4 de la loi puisqu’il indique qu’il ne peut pas exister dans le règlement de copropriété des clauses qui soient contraires aux articles 1er, (..) 6 à 37, (...) de la loi de 1965.
Or, on l’a vu, l’assemblée générale peut donc désormais réputer ces clauses non écrites à la majorité simple – en s’appuyant sur le principe de l’article 24 (f) », et ce, sans limitation dans le temps.
Une clause réputée non écrite qui n’a d’effet que pour l’avenir
« Le législateur de 1965 a laissé le soin au juge de déterminer les conséquences juridiques du caractère non écrit d’une clause du règlement de copropriété contraire aux dispositions impératives de la loi.
Influencée par plusieurs théories doctrinales, la jurisprudence a concocté un savant mélange entre les conséquences de la théorie de la nullité et celle de l’inexistence.
Il en résulte que malgré son inexistence prétendue, la clause doit néanmoins avoir été préalablement déclarée non écrite par le juge, et donc désormais par l’assemblée générale.
En conséquence, tant qu’aucune décision ne sera intervenue, le syndic devra appliquer les clauses illicites.7
Pour autant, lorsqu’elle est réputée non écrite, la clause est censée n’avoir jamais existé.
Les conséquences éventuelles de ses effets passés devraient donc être rétroactivement effacés.
Or, la jurisprudence en limite parfois les effets, compte tenu de la gravité des inconvénients qui en découlent, notamment à propos de la création de syndicats secondaires dont la dissolution n’est pas prononcée rétroactivement.8
Quant à l’article 43 de la loi, celui-ci prévoit que lorsque le juge répute non -écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition, laquelle ne prend effet que pour l’avenir.
Mais qu’en sera-t-il lorsque l’assemblée générale et non plus le juge déclarera illicite une clause du règlement de copropriété portant sur la répartition des charges ? La décision ne prendra-t-elle effet que pour l’avenir ?
Il faut l’espérer car, prenons l’exemple d’une clause rencontrée dans certains règlements de copropriété anciens qui prévoit que les boutiques du rez-de-chaussée ne participent pas au ravalement de la façade de l’immeuble.
Si, pour rectifier la situation, l’assemblée générale déclare la clause illicite alors que le ravalement de façade a déjà eu lieu, il ne faudrait pas que le syndicat puisse demander, après coup, aux lots du rez-de chaussée de rembourser les autres copropriétaires.
Le délai du 24 novembre 20219 étant dépassé : une plongée dans l’inconnu
« Selon un arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 202110, les lots transitoires actuellement insuffisamment décrits ou ne figurant pas au règlement de copropriété sont protégés jusqu’au 24 novembre 2021, date butoir de la mise en conformité prévue par la loi Élan.
On peut appliquer par analogie cette jurisprudence aux parties communes spéciales ainsi qu’aux droits de jouissance privatifs.
Cela signifie qu'il est nécessaire que tous les syndicats des copropriétaires aient mis à jour leur règlement de copropriété le plus rapidement possible conformément à la loi Élan, et au mieux, dans les délai requis.
Beaucoup l’ont déjà fait, mais la plupart n’en n’ont pas eu le temps, compte tenu du contexte sanitaire.
Or, depuis que le délai imposé par la loi ELAN pour procéder à la mise en conformité des règlements de copropriété est dépassé, tout copropriétaire pourrait demander à l’assemblée générale de déclarer non écrite une clause concernant un lot transitoire, un droit de jouissance privatif, voire une répartition des charges».
Heureusement, une prorogation du délai, de trois ans supplémentaires, est prévue dans le projet de loi 3DS11 qui sera prochainement soumis de nouveau à l’Assemblée Nationale après amendement du Sénat.
Sans revenir sur le contenu de cet amendement, qui ne change rien sur le fond quant aux risques d’annulation par les assemblées générales des clauses illicites, il faut que les copropriétaires profitent du temps qui leur est imparti pour confier à un professionnel spécialisé (avocats, notaires) l’examen de toutes les clauses de leurs règlements afin de vérifier leur adéquation avec les articles impératifs visés par l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
Les syndicats pourront ensuite faire procéder, si nécessaire, à leur mise en conformité, pour éviter à l’avenir tout risque de fragilisation des droits des copropriétaires. »
1 celles des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 de la loi et celles du décret prises pour leur application
2 Gélinet J.-M. Clauses réputées non écrites et copropriété, Administrer février 1999
3 Gélinet J.-M., L'adaptation des règlements de copropriété après la loi SRU, Rev. loyers 2003, p. 196 ; Lafond J., L'adaptation des règlements de copropriété anciens à l'évolution de la législation, JCP N 2003, n° 38, 1500
4 Cass. 3e civ., 23 mai 2012, n° 10-28.619 ; Cass. 3e civ. 8 avril 2014, n° 13-11.633
5 Les intéressés peuvent à tout moment demander que la clause litigieuse soit déclarée non écrite
6 qui concernait en fait une clause insérée dans l’état descriptif de division
7 (mais pas toutes, ce qui n’est pas très cohérent : les majorités des articles 24, 25 et 26 s’appliquent de façon automatique ainsi que la plupart des obligations résultant de la loi…
8 Cass 3e Civ 20 mai 2009, N° 07-22.051
9 Date fixée par l’article 209-II de la loi ELAN selon ces termes : « Les syndicats des copropriétaires disposent d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions de l'article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (…) »
10 Cass. Civ. 3ème - 17 juin 2021 n° 527 F-B
11 projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit "3DS"